Société: les habitants de Conakry obligés de vivre avec les ordures au quotidien

Des tas de détritus jonchent les rues de Conakry en juillet 2016. © Guineenews Boubahcom / Capture d'écran YouTube

Les rues de la capitale de la Guinée ont atteint en 2016 un niveau d’insalubrité sans précédent. Jeune Afrique est allé à la rencontre de ses habitants, partagés entre lassitude et exaspération.

Il y a peu, tous les slogans et messages sur les panneaux publicitaires ou dans les médias invitaient les Guinéens à la propreté pour se prémunir contre la fièvre Ebola qui a fait 2 500 morts en deux ans. Une fois la transmission de l’épidémie déclarée terminée par l’OMS, voilà que l’insalubrité revient au galop : des montagnes d’ordures poussent partout et s’ajoutent aux eaux stagnantes au milieu des routes boueuses.

La commune de Kaloum, qui abrite la présidence de la République et la plupart des départements ministériels, n’est pas à l’abri. Un travailleur du quartier Sandervalia qui a requis l’anonymat confie avoir dû changer de chemin pour éviter les odeurs nauséabondes qui s’échappent d’une montagne d’ordures obstruant son passage habituel : « Je préfère contourner pour aller au bureau et à la mosquée d’à côté. J’ai également changé de lieu de restauration de peur d’y attraper une maladie », déplore-t-il.

Même plainte d’un autre citoyen rencontré à Sonfonia, en haute banlieue. Il accuse « le conseil du quartier et l’administration du marché. Les gens paient les taxes, mais les ordures sont toujours là. Elles dégagent une odeur très désagréable et bloquent la circulation. Nous sommes obligés de cohabiter avec ces saletés à nos risques et périls. »

Et les risques sont nombreux, alerte le Docteur Pépé Bilivogui, directeur national de l’hygiène publique : « L’insalubrité a d’énormes conséquences sur la santé. Elle provoque des maladies diarrhéiques comme le choléra, la dysenterie, des infections intestinales et même le paludisme ». Il n’y a toutefois pas de lien entre l’insalubrité et Ebola, transmise entre autres par les liquides biologiques (sueur, sang, sperme) et la consommation de la viande de brousse.

Une pollution d’une ampleur inédite

Dire que Conakry est sale n’est pas nouveau, mais l’ampleur du phénomène cette année est extraordinaire, observent certains volontaires. D’où des initiatives privées d’assainissement, comme celle de Halimatou Dalein, l’épouse du chef de file de l’Opposition guinéenne, Cellou Dalein Diallo. Elle multiplie ces jours-ci les assauts contre les ordures dans les quartiers de Conakry. Certains l’applaudissent, d’autres croient que ce n’est pas désintéressé.

« On dirait que la Guinée est devenue le dépotoir de l’Afrique ! Notre initiative est née d’ailleurs de ce constat », précise Amadou Tidiane Bah, responsable médias du réseau « Conakry saine et propre » qui vient d’être créé. Il « vise l’amélioration des conditions de vie des populations de la capitale via la sensibilisation, l’information et l’assainissement ».

Une seule décharge pour 4 millions d’habitants

La politique d’assainissement ne suit pas le rythme de l’accroissement de la population de la capitale guinéenne, analyse Djély Mory Kourouma, secrétaire général de la commune de Kaloum. « L’assainissement est une chaîne, dès qu’un maillon s’arrête, le reste est affecté. L’unique décharge de la Minière a été aménagée alors que Conakry comptait moins d’un million d’habitants. Aujourd’hui, la même décharge est censée recueillir les déchets de quatre millions de personnes. »

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