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Guinée – Côte d’Ivoire: discorde autour de l’origine de la souche Ébola ?

Depuis la confirmation le 14 août 2021 chez une guinéenne en provenance de Labé, en moyenne Guinée, suite à des analyses cliniques de la maladie à virus Ébola (Mve), les deux pays voisins avaient entrepris conjointement des mesures urgentes pour circonscrire la maladie et empêcher la survenue d’une nouvelle épidémie. La Guinée a même expédié 5000 doses du vaccin Ébola à son voisin ivoirien et dépêché plusieurs experts afin de lui conseiller dans la conduite de la prise en charge et de la vaccination.

Malgré la précaution prise par les autorités ivoiriennes de boucler momentanément leur frontière terrestre avec la Guinée, l’heure était plutôt à la synergie d’intervention. Jusque-là, il était officiellement admis de manière tacite que l’origine de la maladie Ébola détectée à Abidjan provenait de la Guinée. Ce, jusqu’au moment où le directeur général de l’Agence nationale pour la sécurité sanitaire (ANSS) de la Guinée a émis des doutes sur la fiabilité des résultats cliniques du diagnostic de « la patiente zéro » en soins à Abidjan et sur l’origine réelle de la souche virale Ébola qu’elle a contractée.

En effet, le DG de l’ANSS Guinée, dans une sortie médiatique en date du 19 août 2021, a laissé entendre que des investigations menées en Côte d’Ivoire et en Guinée par ses équipes de terrain le laissent perplexe. « À l’analyse des rapports des deux investigations, il y a eu beaucoup d’interrogations : la préfecture de Labé qui a été le lieu de départ de la jeune fille n’a jamais enregistré de cas d’Ébola durant les trois épidémies survenues en Guinée. Aussi, aucun contact n’a développé la maladie jusqu’à maintenant. Dans sa famille à Labé, il n’y a pas eu de cas suspect. L’équipe qui est partie assister nos collègues ivoiriens dans la prise en charge en Côte d’Ivoire qui est arrivée depuis le 16 août, n’a pas pu avoir accès à notre sœur qui a été isolée. Le refus de l’accès à cette malade a augmenté le niveau de réserve des autorités sanitaires de la Guinée », souligne-t-il.

Forcément plus expérimentée en matière de gestion de crise sanitaire liée à Ébola et confiant de ses acquis en la matière, le ministre guinéen de la santé, Remy Lamah, a adressé un courrier officiel au gouvernement ivoirien pour lui demander une reconfirmation du diagnostic effectué par les Ivoiriens par l’Institut Pasteur de Dakar ou à défaut par un autre laboratoire pour s’assurer que « la patiente zéro » en isolement à Abidjan est bel et bien atteinte de la souche guinéenne de la MVE. Les autorités sanitaires guinéennes ont même sollicité à maintes reprises que la Côte d’Ivoire leur envoie des échantillons des prélèvements sur « la patiente zéro ». Toutes ces sollicitations sont restées vaines, selon les autorités sanitaires guinéennes.

Les Ivoiriens opposent à ces exigences guinéennes une fin de non-recevoir pour le moment, estimant qu’ils ne peuvent pas s’être trompés sur le diagnostic établi. « Les autorités guinéennes doutent du diagnostic clinique, moi je ne doute pas de mon analyse, je suis infectiologue et clinicien, on ne peut pas se tromper dans la présentation clinique. La malade a tous les symptômes détectés lors de l’épidémie qui a frappé la Guinée, le Libéria, et la Sierra Leone de 2013 à 2015 », a martelé Serge Eholié, le porte-parole du ministère ivoirien de la Santé et chef de service des maladies infectieuses et tropicales du CHU de Treichville.

Retour à la source, à Labé en moyenne Guinée

À 1500 km de là, dans la région de Labé et plus précisément dans le village d’où serait partie  » la patiente zéro de côte d’ivoire », le constat de la direction régionale de la santé de Labé (DRS) sur lequel s’appuie principalement l’ANSS Guinée pour émettre des doutes sur le diagnostic des Ivoiriens, intrigue plus d’un. « Depuis plus de 12 jours, aucun des contacts n’a développé un signe. C’est pour cela qu’on est en train de s’interroger sur la véracité de ce cas (patient zéro) parce que la façon dont on a connu Ébola dans les temps, ce n’est pas comme ça que ça se développe. Avant, les contacts directs étaient toujours malades. Dans notre jargon, il y a ce qu’on appelle des faux positifs et des faux négatifs. Est-ce que ce n’est pas un faux positif ? Si au bout de 21 jours, aucun contact ne développe la maladie y compris le convoyeur qui est resté avec elle jusqu’au niveau de l’hôpital, où la dame a été reçue. Peut-être qu’on va revoir encore de quelle forme d’Ébola la dame est atteinte”, explique le DRS de Labé.

Des données et observations qui indiquent tout de même le contraire de la conclusion faite par le porte-parole du ministère ivoirien de la santé et tendent à crédibiliser l’hypothèse guinéenne, en attendant que la partie ivoirienne accepte un arbitrage tiers afin de recommencer le diagnostic ou de faire analyser les échantillons de prélèvement par un laboratoire neutre, selon le principe sanitaire de « reconfirmation » conforme au processus des analyses biomédicales en matière virale.

L’ANSS Guinée s’est par ailleurs attelée, selon ses responsables, à retracer le parcours de la jeune fille de Labé jusqu’à la frontière ivoirienne en passant par la région forestière, et conclut finalement que la patiente n’est pas entrée en contact avec des (anciens) malades d’Ébola au cours de son périple, ce qui selon eux, conforte un peu plus les raisons de ces réserves.

La divergence entre les deux voisins sur l’origine du virus pourrait éventuellement être résolue avec l’assistance de l’Organisation mondial de la santé (OMS) très impliquée dans la lutte contre la résurgence de la fièvre hémorragique à virus Ébola en Guinée.

Par FinancialAfrik

Guinée : la course pour la vaccination contre Ebola lancée

BATAILLE. Le pays se donne six semaines pour éradiquer la nouvelle poussée de la maladie dans ce pays d’Afrique de l’Ouest qui a connu sa pire épidémie en 2013.

Ce n’est pas dans une course de fond que s’est lancée la Guinée, mais bien dans une course contre la montre. Plus d’une semaine après la résurgence de la maladie dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, la campagne de vaccination contre la fièvre hémorragique Ebola a été lancée mardi après l’arrivée lundi soir à Conakry de plus de 11 000 doses de vaccin fournies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui prévoit d’acheminer prochainement des États-Unis 8 500 doses supplémentaires.

Sur le terrain, l’immunisation a débuté à Gouécké – aussi orthographiée Gouéké précise l’AFP, une localité de Guinée forestière (sud) où les premiers cas liés à cette résurgence d’Ebola ont été détectés le 13 février, cinq ans après une épidémie meurtrière en Afrique de l’Ouest. Les autorités guinéennes, dont les chiffres ont fluctué, ont jusqu’à présent généralement évoqué cinq décès depuis la résurgence de la maladie.

Dans son dernier bulletin mardi soir, l’agence sanitaire (ANSS) publie un tableau comptabilisant six décès « communautaires » et deux décès « hospitaliers », dont celui d’un « cas suspect » mort lundi à Nzérékoré, ce qui porterait le nombre de morts à huit. Mais dans le même document, l’ANSS fait état de « six décès, dont cinq cas probables et un cas confirmé à la date du 22 février », rendant difficile l’établissement d’un bilan précis.

À Gouécké, une demi-douzaine de personnes, des proches de l’infirmière touchée en premier et morte fin janvier, ont reçu une dose du vaccin sous une petite tente fraîchement dressée aux abords du centre de santé décrépi de la ville, a constaté un journaliste de l’AFP.

Six semaines pour éradiquer la maladie

« Je pense qu’en six semaines, on peut en avoir terminé avec cette maladie », a confié sur place à l’AFP le ministre de la Santé, le général Rémy Lamah. « Les vaccins sont en mesure de nous aider à stopper la propagation de la maladie. Ils sont destinés essentiellement au cercle des contacts des cas que nous connaissons, et aussi à un deuxième cercle éventuellement, pour nous assurer d’interrompre la chaîne de transmission », a dit le représentant de l’OMS en Guinée, Georges Ki-Zerbo, qui a également fait le déplacement. Une petite cérémonie a rassemblé plusieurs dizaines de personnes devant le centre de santé, dont des jeunes, des femmes et le préfet et le sous-préfet, qui ont reçu le vaccin « pour montrer l’exemple ». Un imam et un pasteur ont pris la parole pour inciter les populations à se faire vacciner.

« Lever les réticences »

Originaire de la région, le général Lamah a reconnu avoir dû parlementer toute une journée avec les chefs locaux pour lever leurs réticences. Et lors de la cérémonie, il a tonné contre les « mauvaises personnes » qui refusent la vaccination.

Les autorités sanitaires guinéennes, comme l’OMS ou les ONG spécialisées, savent que sans l’adhésion des populations, il sera très difficile de lutter efficacement contre cette maladie qui provoque une fièvre brutale, des maux de tête, des vomissements et diarrhées, et dont le taux de létalité moyen est de 50 % selon l’OMS. C’est de Guinée forestière qu’avait débuté déjà la pire épidémie d’Ebola depuis l’identification de la maladie en 1976 dans l’actuelle République démocratique du Congo (RDC), où elle continue à sévir régulièrement, y compris en ce moment, et où une partie de la population résiste aux mesures sanitaires.

La campagne s’est poursuivie mercredi à l’hôpital régional de Nzérékoré, où directeur, médecins, infirmiers et cas contacts ont reçu leur injection, ainsi que quelques cachets de paracétamol contre les éventuels effets secondaires, a constaté un journaliste de l’AFP. « Nous vaccinons d’abord les cas contacts, puisque la pathologie a été découverte dans cet hôpital, et ensuite tout le personnel, puisqu’ils sont en première ligne dans le cadre de la riposte », explique le Dr Kaba Keïta, lunettes rectangulaires à fines montures, chemise multicolore et masque sous le nez.

Le vaccin « ne soigne pas, mais ça nous protège. D’autant plus que nous sommes tout le temps avec tout le monde, alors ça nous fait nous sentir en sécurité d’être vacciné », confie Chavanel Kolivogui, un laborantin en blouse blanche.

Le chef de la commission de riposte à Ebola, Moussa Konaté, a dit avoir constaté dès son arrivée en Guinée forestière qu’on distribuait des kits sanitaires et des soutiens alimentaires. « J’ai compris que les gens étaient très bien informés par rapport aux mesures préventives. La population est largement préparée », a-t-il déclaré à la presse locale.

Le Point Afrique (avec AFP)